le 06/07/2002

 
 
 
 
 
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     06/07/2002
 
 
 
 
 
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"La plus grande démocratie du monde"

En Inde, nous avons découvert une civilisation vieille de plusieurs millénaires et une société complexe, difficile à appréhender. L'Inde est l'un des rares pays où les structures sociales et religieuses perdurent depuis 4 000 ans.

L'origine de l'hindouisme remonte à la civilisation de l'Indus qui naquit vers 2500 avant JC. Dans cette civilisation, les prêtres, et non les rois, gouvernaient. Après l'arrivée des aryens, un peuple de nomades indo-européens, les prêtres affirmèrent leur suprématie en mettant en place le système des castes, qui repose sur une division de la société en quatre varnas ou groupes de castes : les brahmanes (prêtres), les kshatriyas (guerriers), les vaisas (paysans) et les sudras (serfs). Chaque varna se subdivise en une multitude de jatis (classes sociales), souvent liées à une profession. Et à ces classes, s'ajoute celle des intouchables qui mènent l'existence d'êtres inférieurs, exclus du système.

"Le système des castes est ancré dans la mentalité des gens"

Malgré l'interdiction des castes par la loi fédérale, le système perdure toujours. Kumar cherche à se marier mais il n'envisage pas de pouvoir se marier avec une femme qui ne serait pas issue de sa jati, celle des cueilleurs de pommes. "C'est un choix personnel, avant d'être un choix de ma famille" nous a t-il dit. Et les brahmanes et les kshatiyas que nous avons pu croiser sur notre chemin, étaient généralement très fiers de nous annoncer leur appartenance à une caste "supérieure". "Le système des castes est un des plus importants freins à la modernité. Officiellement, l'état interdit ses pratiques, mais en réalité, le système est ancré dans la mentalité des gens, et aujourd'hui encore, il régit la plupart des rapports sociaux" nous disait un commerçant de Bodhgaya.

L'Inde reste un pays du tiers-monde

Aujourd'hui, cette organisation sociale millénaire cohabite avec la modernité. L'Inde a, depuis l'indépendance, avancé à grands pas. Son industrie la place désormais parmi les dix plus grandes puissances industrielles du monde. "Notre pays est un pays moderne et la réussite de notre industrie informatique en est la preuve ! " nous disait Patel à Bombay. Mais ces signes ne peuvent occulter les énormes écarts sociaux qui existent dans le pays. Les mendiants sont légions et les villes gigantesques (Bombay dépasse les 16 millions d'habitants) accueillent de plus en plus de miséreux venus des campagnes.

Pour nous, l'Inde, malgré ses réussites dans les technologies de pointe, reste un pays du tiers-monde. Alors oui, c'est vrai, il existe une classe aisée qui pavane en voitures étrangères et qui a adopté le mode de vie des pays développés. Mais le pays doit toujours se battre avec une démographie exponentielle. L'eau courante n'existe quasiment pas dans les campagnes, où les femmes doivent encore chercher l'eau au puits. Les coupures d'électricité sont quotidiennes, même en plein centre de Delhi. Et dans les campagnes, les paysans travaillent toujours à l'ancienne, en utilisant la charrue et les boeufs.

Un système politique démocratique

Peut-être que l'Inde n'en a que plus de mérites, elle, qui est considérée par beaucoup ici, comme la plus grande démocratie du monde (en nombre d'habitants). Et c'est vrai, que malgré l'extraordinaire diversité du pays, malgré les difficultés économiques et sociales, l'Inde a réussi à conserver son unité tout en maintenant un système politique démocratique.

Mais ce sentiment d'admiration est, pour nous, vite occulté par les événements sanglants qui se sont déroulés, lors de notre séjour, dans l'Etat du Gujarat. En 1984, le BJP, le parti nationaliste, aujourd'hui au pouvoir, mécontent de ses résultats aux élections, a relancé l'agitation autour d'une mosquée construite (au 17e siècle !) à Ayodhya sur les vestiges d'un temple hindou. En 1992, un groupe de nationalistes hindous a détruit cette mosquée, entraînant des affrontements entre hindous et musulmans à travers tout le pays. En février dernier, au Gujarat, des musulmans extrémistes, ont assassiné des pèlerins hindous de retour d'Ayodhya. S'en est suivie une chasse aux musulmans qui a duré tout au long de nos cinq mois passés en Inde. Passant frappé à mort par une foule en colère, jeune homme brûlé vif dans la rue, femmes violées, commerçants morts dans un attentat à la bombe, tels étaient les faits qu'on a pu lire quotidiennement dans la presse. Mais outre la passivité de la police et des dirigeants de l'Etat, c'est l'absence de poursuites, l'impunité des auteurs de ces massacres, qui nous aura le plus choqué.

Un double sentiment

Nous quittons le sous-contient indien avec un double sentiment. Sentiment d'admiration devant une culture millénaire et devant un état mosaïque constitué d'une multitude d'ethnies, de religions, de langues et qui, malgré quelques dérives autoritaires, a réussi à maintenir la démocratie. Le second sentiment est un sentiment de crainte face à un système aussi injuste que celui des castes et face à la montée d'un nationalisme exacerbé, auquel, malheureusement, répond la montée de l'intégrisme religieux du Bangladesh ou du Pakistan.

Nani et Minh