le 02/06/2002

 
 
 
 
 
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     02/06/2002
     
     
 
 
 
 
 
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Le fleuve sacré

Le soleil se lève à peine sur le Gange. A Varanasi, la douce lumière du petit matin caresse la rive occidentale du fleuve bordée d'innombrables ghats, les marches qui mènent au fleuve. Et déjà, les jeux des enfants dans l'eau annoncent le début d'une journée comme toutes les autres. Profitant de la relative fraîcheur du matin, des milliers d'hindous affluent sur les bords du fleuve le plus sacré du pays, considéré comme la "mère de l'Inde", dont l'eau vive féconde la terre et lave des péchés.

Gangâ, comme l'appellent les indiens

Quand la civilisation de l'Indus s'est éteinte vers 1700 avant JC, le centre économique s'est alors déplacé vers le nord-est du pays, dans les vallées du Gange et de ses affluents où apparurent de nouvelles villes et de nouvelles civilisations. Le Gange est depuis lors le cours d'eau par excellence, la rivière personnifiée tant la civilisation du Gange a joué un rôle essentiel dans l'histoire indienne.

Alors pour certains, la journée commence par un bain purificateur, puis se poursuit par une prière adressée au soleil, les mains jointes, dirigées vers l'astre qui semble émerger du fleuve. D'autres marchent dans l'eau et semblent accomplir une danse rituelle. C'est une prière pour le fleuve, "Gangâ" comme l'appellent les indiens.

Une femme lave son linge, un grand père se repose à l'ombre...

Le long des ghats, des familles se rassemblent sur les marches et les pontons protégés du soleil par de grands parasols. La grand mère, la mère, le père, et une ribambelles d'enfants s'affairent. Une femme lave son linge, un grand père se repose à l'ombre d'une bâche en plastique maintenue par des bambous, des enfants jouent dans l'eau et une femme en sari, le corps à moitié dans l'eau, hésite encore à immerger sa tête, tenant fermement la main de son mari pour se donner du courage. A quelques mètres, un père apprend à son jeune fils les rudiments de la nage. L'enfant crie, pleure et s'agrippe au bras de son père qui fait d'importants efforts pour dédramatiser la situation. Lui montrant l'exemple, il plonge sa tête dans l'eau et en ressort le visage souriant. Et à côté, c'est un homme que quatre femmes frottent, savonnent, nettoient, massent énergiquement. Sa mère, sa grand mère, ses sœurs lui accordent un attention particulière. Aujourd'hui, il se marie.

Plus loin, sur un autre ghat, un couple se recueille et prépare une puja, une offrande. Les cendres du corps d'un parent sont posés sur une feuille de bananier. Et dans le sac posé à leurs côtés, des fleurs, des chapatis, de l'encens, des lentilles, de la pâte à pain… Selon un rituel qu'ils semblent connaître depuis toujours, ils déposent chaque ingrédient sur cette longue feuille, minutieusement, calmement, à côté des cendres. C'est un enfant, une mère ou un proche parent qu'ils accompagnent pour une dernière fois, offrant le défunt au fleuve, après l'avoir pourvu de tout ce qu'il peut avoir besoin dans cette autre vie.

Des femmes de tous âges entourent une jeune fille que l'on va marier

Près du Dasaswamedh Ghat, dont le nom raconte le sacrifice de 10 chevaux par Brahma, d'autres rituels se préparent. Des femmes de tous âges entourent une jeune fille que l'on va marier. Le visage caché par le voile qui lui couvre la tête, sa grande sœur essuie ses larmes et la prend dans ses bras, tandis que la mère, installée un peu plus loin prépare les chapatis, le dal et les pâtisseries qui seront servis aux invités. Son futur mari est assis seul sur les marches, le regard perdu au loin, sur la rive orientale du fleuve. Ils s'apprêtent comme tant d'autres familles rassemblées sur ce ghat à prendre un bateau qui les mènera sur l'autre rive, et pendant la traversée, ils offriront au fleuve une immense tresse de fleurs. Se marier à Varanasi, c'est mettre tous les atouts de son côté pour le futur, et se prémunir d'un mauvais karma.

La mort y côtoient la vie, avec la même simplicité

Sur les ghats, les hindous se livrent à des rituels millénaires, aussi anciens que l'hindouisme et que l'Inde elle même. La mort y côtoient la vie, avec la même simplicité, avec la même spontanéité. Les cris des jeunes enfants jouant dans l'eau se mélangent au chants des prières, et le bruit du linge qu'on frappe contre la pierre est à peine couvert par les sollicitations des marchands de fleurs et des brahmanes.

Nani et Minh

A suivre en images :
les rues de Varanasi
un mariage sur les rives du Gange