le 28/04/2002

 
 
 
 
 
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     28/04/2002
     
     
     
 
 
 
 
 
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Un ange tombé du ciel

Station de bus de Chandigarh, un vieux monsieur sikh, turban bleu, lunettes aux verres épais et barbe blanche, est assis sous un arrêt de bus. Comme tous les jours, Narindar est venu avec son vélo et sa sacoche. Narindar ne se sépare jamais de sa sacoche. Et comme tous les jours, dès qu'il apercevra un touriste, il ira à sa rencontre pour l'aider à trouver sa correspondance, pour lui conseiller un hôtel bon marché, ou pour lui faire visiter la ville.

"Narindar Singh International vient à la rescousse de touristes finlandais"

Et pour mettre son interlocuteur en confiance, Narindar ne manquera pas de lui faire lire son livre d'or, où de nombreux touristes, japonais, danois, français, américains, coréens, israéliens,... font l'éloge de sa bienveillance et de sa gentillesse. Il n'omettra pas non plus de lui présenter les nombreuses coupures de journaux locaux qui évoquent les exploits de cet étrange personnage de Narindar Singh, plus connu ici sous le nom de "International" : "Narindar Singh International vient à la rescousse de touristes finlandais assaillis par une horde de mendiants", "International reçoit la plus haute distinction du Penjab", "Narindar Singh International reçoit une lettre du président de la République Française pour le remercier de ses bons services".

A 65 ans, "International" est un ancien fonctionnaire de l'état du Penjab. Et maintenant qu'il est à la retraite, il s'est inventé un travail, il vient en aide aux touristes. Mais attention, il ne fait pas ça pour de l'argent, non, juste par plaisir, par pur plaisir. "Si vous êtes heureux, alors je suis heureux", "considérez moi comme votre grand-père indien" font partie de ses phrases favorites.

Narindar nous est tombé dessus alors que nous cherchions un coin tranquille où dormir. "Je ne veux que vous aider, je n'attends pas d'argent, ni quoi que ce soit de vous, aider les touristes est mon passe-temps". Dix minutes plus tard, nous nous trouvions chez un de ses amis, agriculteur, invités à rester dans sa ferme pour toute la durée de notre séjour.

Narindar aime sa ville, une ville créée de toutes pièces dans les années 50.

Nous avons passé les jours suivants à visiter la ville en compagnie de "International". Narindar aime sa ville, une ville créée de toutes pièces dans les années 50. Le Penjab avait alors besoin d'une nouvelle capitale. L'ancienne, Lahore, étant passée du côté pakistanais lors de la partition de l'Inde. Créée à partir des plans de l'architecte Le Corbusier, Chandigarh ne ressemble en rien aux autres villes indiennes : avenues larges, circulation bien réglementée, grands bâtiments en béton, nombreux espaces verts...C'est à se demander si cette ville n'a pas atterri en Inde par erreur.

En compagnie de celui que nous avons effectivement fini par appeler "grand-pa", nous avons visité l'extraordinaire "rock garden", un parc féerique créé par un fonctionnaire des ponts et chaussés à partir de matériaux de récupération, avons déjeuné au restaurant réservé aux députés de l'état du Penjab, "car dans quel autre endroit que celui-ci pourrait-on manger trois aussi bon repas pour seulement 30 roupies ? Ce serait bête que vous dépensiez plus alors que votre grand-pa connaît un tel endroit" et avons participé à un colloque sur l'aide à apporter aux enfants des rues.

Mais notre venue à ce colloque, où tout le gratin de la ville se retrouvait autour d'un copieux buffet, n'était pas seulement guidée par le souci des plus démunis. "Grand-pa" nous avait chargé d'une mission : remettre une lettre au gouverneur du Penjab lui demandant la réouverture du camping municipal à l'abandon. "En Inde, si vous ne poussez pas les gens, si vous ne les harcelez pas, vous n'obtenez jamais rien". Et ayant bien compris ce principe, Narindar, quand il n'est pas en compagnie de touristes en détresse, écrit des lettres, des tonnes de lettres : pour demander la réouverture du camping municipal, pour qu'une statue soit érigée en l'honneur d'un ancien notable de la ville ou pour qu'un timbre soit édité pour honorer la mémoire d'un ancien combattant. Autant de combats qu'il a décidé de mener. "Il est normal de perpétuer la mémoire de ceux qui nous ont précédé, personne ici ne s'en préoccupe alors j'ai décidé de le faire".

Changer l'attitude de ses compatriotes vis à vis des touristes

Mais le principal combat de Narindar, celui qu'il mène jour après jour, c'est de changer l'attitude de ses compatriotes vis à vis des touristes." Pourquoi les gens regardent t-ils les touristes avec autant d'insistance ? Si vraiment ils sont intrigués, ils n'ont qu'à aller à leur rencontre et discuter avec eux". Comme l'a écrit une touriste belge dans le livre d'or de Narindar, "Au milieu de tous ces regards qui vous scrutent sans cesse, c'est une chance de pouvoir rencontrer Narindar Singh, un ange tombé du ciel, les ailes en moins".

Nani et Minh