le 06/11/2001

 
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     06/11/2001
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Ahmed le berger

Nous avons rencontré Ahmed alors que nous étions engagés sur un chemin de terre à la recherche d'un coin où passer la nuit. "Ou allez vous ?". "Que cherchez vous ?" Très vite il comprend notre situation et nous invite à le suivre. "Ma maison est au bout du chemin" nous dit-il. A la lumière de nos phares, nous apercevons sur une centaine de mètres de modestes campements et des enclos pour moutons en bordure de chemin.

C'est là que vit Ahmed. Sous la tente, on fait la rencontre de Soleilha, sa femme, et d'Hussein, petit bout de choux de 3 ans. Très vite, nous sommes rejoints par Fatma, la mère d'Ahmed, alertée par le retour de son fils, trois concombres à la main, et la cigarette au bec. Fatma vit a quelques mètres, sous une autre tente. Nous avons à peine échangé quelques mots qu'un repas s'organise sous nos yeux. Fatma coupe les concombres et Soleilha prépare du thé et des crêpes au fromage de brebis. Toute la scène s'est déroulée en 15 petites minutes. Pas le temps de refuser, de passer notre chemin.

Leur tente est faite de toiles plastiques, de bouts de bois et de cartons. Le sol en terre battue est recouvert par quelques tapis. Un grand matelas est posé au sol.
Dans un coin, un autoradio, une mini télé. Des sacs plastiques contenant leurs vêtements et des couvertures sont posés sur des cagettes. Le coin cuisine comporte un vieux réchaud, de la vaisselle plastique, et de grandes écuelles. On transporte dans notre voiture bien plus que ne possède toute cette famille. On se sent un peu gênés. Du coup, on sort quelques provisions de la voiture, histoire de partager ce qu'on a.

La discussion qui s'engage est interrompue par les grands éclats de rire d'Ahmed qui fait autant d'efforts que nous pour se faire comprendre. Les gestes facilitent la conversation. Ahmed est curieux de notre manière de vivre, de nos coutumes, de la vie en France. "Vous buvez beaucoup de thé en France?" demande t-il. "On boit beaucoup de café… et de la bière aussi". Rire d'Ahmed. Lui est musulman et ne boit jamais nous dit-il. Nous nous rendons compte que nous sommes aussi "exotiques" à ses yeux que lui aux nôtres. Ca nous réconforte un peu. Dans ce genre de situation, on se demande toujours ce que l'on peut apporter à ceux qui nous accueillent.

Le repas est frugal et se termine rapidement. Soleilha, que notre arrivée a brutalement réveillé, est fatiguée. Elle doit accoucher d'ici une vingtaine de jours de leur deuxième enfant. Comme elle se couche, nous sortons avec Ahmed, refusant son invitation à dormir sous la tente. Alors la soirée se poursuit dans notre voiture. On lui fait la visite. Il est ébahi par notre installation. Nous l'invitons à partager notre intimité pour la soirée. Alors on écoute des chansons françaises, on discute, on feuillète nos livres ensemble. Ahmed est joyeux et s'émerveille de tout dans notre caverne d'Ali Baba.

Alors que nous évoquons les villes turques que nous avons visitées, Ahmed nous explique que lui ne connaît que les villages de son canton. Nous sommes bien conscients de la chance que nous avons de pourvoir voyager librement mais sa remarque nous ramène brutalement à cette réalité.

Le lendemain matin, à l'aurore, nous sommes réveillés par les bruits du petit déjeuner qui se prépare dehors, près d'un feu de bois. Les mêmes crêpes au fromage sont au menu. Nous avons du mal à nous lever d'aussi bonne heure, et Ahmed tambourine à la porte pour nous réveiller. Ce matin, lui et sa femme vont vendre quelques moutons au village voisin. Nos routes vont bientôt se séparer.

Nous repartons avec le sourire d'Ahmed en tête. Sa bonne humeur, son enthousiasme, sa chaleur et sa générosité font partie des choses que l'on n'oubliera pas. Son absence de préjugé à notre égard, malgré toutes nos différences, a rendu cette rencontre possible.

Nani et Minh