le 30/11/2001

 
 
 
     30/11/2001
     
 
 
 
 
 
 
 
écouter un son
en savoir +
envoyer cette photo à un ami
Histoire de réfugié

C'est en arpentant les rues de Beyrouth, d'Est en Ouest, que nous avons fait la connaissance d'Ahmed. Dans le quartier d'Hamra, il tient une toute petite épicerie où les gosses et les gens du quartier viennent acheter des chips et des friandises.

Le temps de chercher la monnaie pour payer la bouteille d'eau que nous venons d'acheter, il engage la conversation. "D'ou venez vous?" " Moi, je suis palestinien" nous dit-il. "D'Akka". Akka c'est Saint Jean d'Acres, en Israël. A la naissance de l'Etat d'Israël en 1948, cette ville s'est retrouvée en territoire israélien. La famille d'Ahmed a du fuir la ville et a trouvé refuge au Liban, où vivent aujourd'hui plus de 350.000 palestiniens. Du coup, Ahmed est né au Liban et n'a jamais vu son pays.

Nous restons avec lui plusieurs heures, buvant du café, assis par terre. Lui, se tient assis sur une chaise de jardin. Ses genoux gardent encore le souvenir d'un passage à tabac par des militaires syriens pendant la guerre et il ne peut rester debout plus de quelques minutes. Tandis qu'il prépare un café, son frère nous rejoint. Nous les écoutons, attentifs et curieux, nous raconter leur vie au Liban, leur combat et leur engagement pour la Palestine, la guerre du Liban qu'ils ont vécu dans ce même quartier.

Une vraie rencontre, à peine interrompue par les bandes de gosses qui défilent dans sa boutique pour un paquet de gâteaux, des bonbons... Ahmed les connaît tous. "Celui là il habite au dessus de chez moi. Ces parents sont libanais et on s'entend bien. Je connais tout le monde dans le quartier. Les vieux et les jeunes, les riches et les pauvres, les chrétiens et les musulmans. Même les ministres viennent me demander ce que les gens pensent d'eux." Et Ahmed les accueillent avec le sourire et tous ont un mot gentil pour lui.

Beyrouth a largement souffert de la guerre civile et le pays se remet difficilement. La ville fut séparée en deux. De chaque coté de la "ligne verte", s'étendaient à l'Est le quartier chrétien, à l'Ouest le quartier musulman. Les combats entre milices et les raids israéliens ont détruit la ville. "Les gens s'entretuaient. Chrétiens et musulmans combattaient l'un contre l'autre. Mais à la fin, on ne savait plus qui était l'ennemi de qui, qui tuait qui." La "ligne verte" fut démantelée en 1991. Dans les consciences, elle reste encore un peu présente. Quand nous racontons à Ahmed que notre hôtel est situé dans Beyrouth Est, près du centre-ville, il avoue avec humour qu'il ne connaît pas cette partie de la ville et qu'il n'y va jamais.

Sur son passeport libanais, il est inscrit qu'il est palestinien. Si le Liban est une terre d'accueil pour un grand nombre de réfugiés palestiniens, la situation n'est guère facile pour eux. Dans les écoles publiques, un nombre limité de places leur est réservé et les écoles privées sont trop chères, alors c'est dans les écoles créées par l'ONU que les palestiniens vont étudier. Trouver un travail est également compliqué et souvent, même les gens qualifiés exercent de petits boulots. Depuis peu, une loi a été votée leur interdisant le droit de propriété. Ahmed nous dit en souriant "Ce pays est bon avec nous, mais le gouvernement préférerait nous voir ailleurs qu'ici".

Ahmed a toujours combattu pour sa terre. Aujourd'hui, il a 53 ans et son gabarit frêle ne laisse pas imaginer que cet homme a combattu dans sa jeunesse aux côtés de Georges Habache pour le FPLP. "Maintenant je suis trop vieux pour ça. Mais je veux finir ma vie sur la terre de mes ancêtres. Si demain on me dit que je peux y aller, alors j'y vais les pieds nus, même si je dois abandonner tout ce que j'ai ici."

Alors que nous nous remettons en route, Ahmed nous serre chaleureusement la main. "Si vous repassez par là, revenez me voir. Demain ou bien dans dix ans, vous serez toujours les bienvenus."

Nani et Minh

A suivre en images :
dans les rues de Beyrouth