On a rencontré Ayhan dans la ville de Kütahya. On était en quête d'un hammam et il était
spontanément venu à notre rencontre pour nous aider. Après nous avoir indiqué où nous
pouvions en trouver un, il nous a proposé de partager un thé avec lui.
On a tout de suite accepté car, Ayan parlant couramment anglais, c'était l'occasion pour nous
d'avoir une discussion allant au delà des, maintenant, traditionnels "d'où venez-vous ?", "où
allez vous ?", "comment trouver vous la Turquie ?", ...
Très vite Ayhan nous explique qu'il est ici pour prendre des cours de violon et que l'échoppe
située de l'autre côté de la rue est en fait une école de musique.
Toujours en quête de nouveaux sons à enregistrer, nous lui demandons s'il est éventuellement
possible que des gens jouent pour nous. "Aucun problème", et on se retrouve dans la petite
échoppe entourés du professeur de musique, M.Gümüstekin, à la stature droite et fière mais à
l'attitude toute amicale, et de cinq de ces élèves.
M.Gümustekin est un ancien capitaine de l'armée turque et, nous dit Ayhan en rigolant,
"Quand il dirige un cours, on peut encore sentir une certaine rigueur héritée de cette époque
là".
Et tout ce beau monde commence à se mettre en place, sortant chaises, pupitres et instruments
pour ce qui semble se transformer en mini-concert privé. Ils interprètent coup sur coup cinq
morceaux issus du répertoire traditionnel turc et nous offrent un moment emplie de beauté et
de sérénité. La musique turque, friande d'intervalles d'un quart de ton, offre de nouvelles
sonorités à nos oreilles "occidentalisées".
A les regarder jouer, on sent une réelle complicité entre eux. Impression qui se confirmera
lorsqu'ils nous diront plus tard qu'il se retrouvent ici tous les week-end pour jouer et encore
lorsque nous les verrons tous en train de réparer la chaudière en panne de leur petit local.
Après coup, on leur fait écouter les enregistrements que nous avons fait. Ils semblent très fiers
de notre intérêt et heureux que nous emportions avec nous un souvenir de l'instant qu'ils
viennent de nous offrir.
Après la musique, place au traditionnel thé turc. On en profite pour continuer notre discussion
avec Ayan. Il nous on apprend qu'il est d'origine kurde, étudiant en biologie, qu'il n'a pas
encore fait son armée et qu'à la sortie de l'université, il devra encore travailler neuf pour le
gouvernement afin de rembourser ces études.
Et quand on l'interroge pour savoir si aller à l'armée lui fait peur (avec le soulèvement kurde
à l'Est du pays, le service militaire peut ici se transformer en véritable situation de guerre), il
nous répond que non, il n'a pas l'habitude d'angoisser. Il nous raconte quand même l'histoire
de son jeune frère, qui partit faire son armée à l'âge de 19 ans au Kurdistan est revenu " en
faisant des cauchemars qui l'empêchaient de dormir la nuit, et aujourd'hui, il commence tout
juste à aller un peu mieux".
Plus tard, alors qu'on explique à Ayhan qu'en déambulant dans les rues de Kütahya, nous
avions été un peu déconcerté par l'atmosphère de la ville, celui-ci nous explique "qu'ici trois
monde se côtoient : les habitants, plutôt conservateurs, les militaires au nombre de 30 000 et
venant de tous les coins de la Turquie et autant d'étudiants au mode de vie bien différents de
celui des habitants. Mais même si on a connu quelques problèmes du fait cette situation, ces
dernières années, les choses vont en s'améliorant".
Nani et Minh